Monestier-de-Clermont à travers les siècles
Lionel RIONDET raconte...
Le grand incendie de 1770
Monestier-de-Clermont est en feu. Un vent impétueux propage l'incendie d'une maison à l'autre d'autant plus facilement que presque tous les bâtiments sont couverts en chaume. Au milieu des cris, aveuglés par une épaisse fumée, les habitants tentent de sauver ce qu'ils peuvent. On fait la chaîne avec des seaux d'eau à partir des ruisseaux qui longent le village, procédé dérisoire, pour essayer d'enrayer le sinistre. En vain.
Que s'est-il passé ? On peut reconstituer les faits grâce à des témoignages de l'époque. Nous sommes le 29 octobre 1770. L'automne est là et l'on attend sans crainte les premières offensives du froid. Les récoltes (foin, blé seigle) sont rentrées, les greniers sont pleins à craquer. Il est, ce jour-là, dix heures trente du matin. Un serrurier, dont l'atelier est situé entre l'église et le château, tente d'abouter deux tiges de fer portées au rouge. N'y parvenant pas, par un mouvement de colère il en jette une violemment à l'extérieur. Par malchance, la tige atterrit sur le toit en chaume de la maison voisine. Lorsque l'imprudent s'en aperçoit, il est déjà trop tard, le toit s'est embrasé. Attisé par un vent violent, le feu se propage aux toits au voisinage et deux heures plus tard c'est tout le village qui flambe...
Au soir, le bilan est catastrophique. La quasi-totalité du village est détruite. Quatre-vingt-onze bâtiments ont brûlé. A grand peine, l'église a été préservée ainsi que le château et quatorze maisons couvertes de tuiles. Toutes les récoltes ont disparu dans le sinistre, ce qui provoquera la cherté du grain sur les marchés de Grenoble. Les dégâts sont évalués à 106 734 livres de l'époque.
On imagine le désarroi des habitants à la veille d'un hiver qui sera, comble de malchance, l'un des plus durs du siècle. Des aides sont apportées sous forme de vivres, le seigneur de Bardonenche accueille les familles dans les granges et écuries du château, l'intendant du Dauphiné déchargera les 58 chefs de famille des tailles et de la capitation. Le village restera longtemps marqué par ce terrible incendie.
Et on n'en a pas fini avec le feu...
Sources : Registres paroissiaux de Monestier-de-Clermont et Saint-Paul-les-Monestier, et le recueil intitulé « Miscellenea » de Letourneau.
Et toujours le feu
Après le grand incendie de 1770, le village est reconstruit mais le chaume reste la couverture habituelle des toitures. Pour parer aux incendies destructeurs, les autorités vont inciter les Monétérons à couvrir leurs maisons avec des tuiles. En 1801, la municipalité facilite l'installation d'un tuilier à Monestier. Il s'agit de Mathieu Bionda, âgé de 27 ans, originaire de Lugano en Suisse. Il installe sa fabrique à la sortie sud du village, à proximité du col du Fau où les terres argileuses abondent. Il lui est accordé un droit d'eau sur la source de Font-Fauvèze. Le nom de famille du jeune tuilier est francisé en Biondet, il épouse une fille du village et y fera souche. Pour faciliter le passage de la paille à la tuile, le maire Ennemond Fauchet propose de verser une indemnité à ceux qui acceptent d'y souscrire.
Mais le danger est toujours là. Une trentaine d'années plus tard, le 23 août 1803, un terrible incendie ravage à nouveau Monestier. La plupart des habitants sont aux champs et l'on ne peut rien faire, toujours à cause de la couverture de chaume, contre la propagation rapide du feu. La moitié des maisons du village (soit 53) sont réduites en cendre. Lors de la lutte contre le feu, un jeune Monétéron, le citoyen Paillet, militaire de carrière, se fait particulièrement remarquer par sa bravoure et son dévouement. Trois cents habitants se retrouvent sans abris dans le plus grand dénuement. Les récoltes engrangées sont là encore totalement détruites. Dans un généreux élan de solidarité, des aides de toutes sortes sont apportée. Le maire se dépense sans compter pour ses malheureux concitoyens. Le journal de Grenoble note : « M. Fauchet a donné dans cette circonstance malheureuse des preuves de zèle et de sensibilité qui rendent ce magistrat digne de la reconnaissance publique ». Dans la douleur, le village pansera à nouveau ses plaies.
Les autorités vont réagir. Le 28 octobre de la même année, le préfet de l'Isère prend un arrêté faisant obligation de couvrir en tuiles toute nouvelle construction. Une subvention de 1500 francs est allouée pour en aider la réalisation. Ainsi, peu à peu, la tuile se substitue à la paille. La couverture des bâtiments se fait désormais avec de belles tuiles écailles rosées qui lui donnent aujourd'hui encore son cachet. C'en sera fini des gigantesques incendies qui mettaient le village régulièrement en péril.
Lionel Riondet